Contenu

Le Plateau de Leng

publié le 19 septembre 2015 (modifié le 25 janvier 2016)

Le Plateau de Leng


Asie, Antarctique ou Contrées du Rêve ? Il semble que notre cher Lovecraft n’a jamais eu les idées très claires quant à la localisation précise du Plateau de Leng. Rassurez-vous, M. Jedediah Amberson, professeur honoraire à l’Université Miskatonic d’Arkham et envoyé spécial du Hobbit Fataliste, est là pour tout vous expliquer.

Avant-propos

Cet article sur le Plateau de Leng est le résultat d’études et de recherches qui, avec quelques interruptions toutefois, se poursuivent depuis près de trente ans.

Autant que je le sache, il n’existe pas d’étude détaillée du Plateau de Leng. Les seuls ouvrages méritant d’être cités sont le rapport de Richardson concernant son voyage au Tibet (1927) et le trop décrié compte-rendu de l’expédition Pabodie (1931). Je me suis également appuyé sur les notes laissées par feu Wilbur Akeley (1924), diplômé d’archéologie et d’anthropologie à l’Université Miskatonic.

Dans le présent article, j’ai essayé de fonder ce que j’avance sur les meilleures sources originales dont on dispose, c’est-à-dire le Necronomicon, les Chants Dholes et les Unausprechlichen Kulten. J’ai cependant été obligé de citer de seconde main quelques écrits introuvables dans les grandes bibliothèques (que ce soit à Londres, Paris ou Buenos Aires) : c’est notamment le cas du Quatrième Livre de D’harsis.

Introduction

R’lyeh, G’harne, Hali, Irem, autant de noms qui évoquent des lieux mystérieux et inquiétants dont l’authenticité a souvent été contestée. Bien sûr, ils ne figurent sur aucune carte, aucun atlas officiel, mais pour ceux qui savent déchiffrer et interpréter les textes anciens, leur existence ne fait aucun doute.

Le Plateau de Leng fait partie de ces endroits mythiques que seuls les sots et les inconscients s’obstinent à ignorer, arguant, comme le Dr. Jurgen, des multiples et contradictoires localisations du plateau (Leng, une légende tenace, article paru dans l’International Geographic Society, 1934).

Je ne peux nier en effet que les conclusions de Richardson (Mœurs et coutumes du Peuple Tcho-Tcho, 1927) ou de Dyer (Les Montagnes Hallucinées, 1931) diffèrent totalement. Pourtant, il existe une explication évoquée par Abdul Alhazred dans le Necronomicon que nous étudierons après avoir abordé les emplacements possibles du Plateau de Leng, à savoir l’Asie Centrale, l’Antarctique et les Contrées du Rêve.

Chapitre premier : l’hypothèse asiatique

Nous y reconnûmes (…) la chose dont il est question dans le Necronomicon, l’ouvrage interdit de l’Arabe fou, Abdul Alhazred, le symbole spirituel et spectral du culte nécrophage de l’inaccessible Leng, au cœur de l’Asie centrale.
Le Molosse

Nos sources sur Leng

Les livres occultes

Le Necronomicon constitue un ouvrage de référence ; les allusions au Plateau de Leng sont fréquentes, mais manquent hélas souvent de précision. On l’évoque notamment à propos des Shantaks « qui gardent Kadath dans les Etendues Glacées et le Plateau de Leng »1, ou encore de Nyogtha : « Les hommes le connaissent comme l’Habitant des Ténèbres, ce frère des Anciens nommé Nyogtha, la Chose-qui-ne-devrait-pas-être. Il dut être appelé à la surface de la Terre par certaines cavernes et fissures secrètes, et des sorciers l’ont vu en Syrie et au pied de la Tour Noire de Leng... »2. Mais le passage le plus explicite est le suivant :
« Celui qui cherchera vers le Nord, au-delà des terres crépusculaires d’Inquanok trouvera au milieu du désert glacé l’obscur et vaste plateau de Leng, trois fois interdit. On reconnaît Leng, que le temps a évité, aux feux mauvais qui brûlent toujours et aux cris aigus des oiseaux de Shantak couverts d’écailles qui se meuvent haut dans les airs ; aux hurlements du Na-Hag qui couve dans des cavernes envahies par la nuit et hante les rêves des hommes d’une étrange folie, ainsi qu’au temple de pierre grise se trouvant en dessous de l’antre des Maigres Bêtes de la Nuit dans lequel demeure celui qui porte le Masque Jaune et qui vit seul.
Mais prends garde, toi, l’Homme, prends garde à ceux qui errent dans les ténèbres sur les remparts de Kadath ; car celui qui apercevra leurs têtes coiffées d’une mitre tombera dans les griffes du destin.
 »3

Les Unausprechlichen Kulten, de von Junzt, sont, avec le rapport de Richardson, les seuls documents de référence concernant les dévoreurs de cadavres du Tibet ancien, je veux bien sûr parler des Tcho-Tchos.

Autre livre intéressant, tant par son contenu que par son origine : les Chants Dholes. Cet ouvrage, écrit en langue birmane, proviendrait du Plateau de Leng. Certains ont même prétendu qu’il avait été écrit par Leng, s’appuyant sur d’obscurs et anciens textes affirmant que Leng est « un démon vieux d’une éternité »4. Pour ma part, je ne souscris pas à cette théorie : rien parmi les documents que j’ai pu consulter ne permet d’affirmer que Leng est autre chose qu’un plateau (démoniaque peut-être, mais un plateau tout de même).

Enfin, l’inventaire ne serait pas complet sans les Mystères secrets de l’Asie, avec un commentaire sur le Ghorl Nigral. Son auteur, Gottfried Mülder, était un homme de science qui accompagna von Junzt durant ses voyages (il rédigea d’ailleurs la préface des Unausprechlichen Kulten). Selon Mülder, von Junzt est le seul homme à avoir jamais posé les yeux sur le Ghorl Nigral. Gottfried tenta une reconstitution écrite de ce que lui avait révélé son ami concernant cet ouvrage. Le résultat, Les Mystères secrets d’Asie, fut édité à compte d’auteur à Leipzig, en 1847. La plus grande partie du tirage fut aussitôt brûlée par les autorités. Mülder mourut en 1858 dans un asile d’aliénés.

Les explorateurs

Friedrich Wilhelm von Junzt, né à Cologne en 1795 et mort à Düsseldorf en 1839, parcourut le monde entier et, dans les derniers mois de sa vie, séjourna en Mongolie. De retour en Allemagne, il s’attela à la rédaction d’un ouvrage qu’il ne put jamais achever. Son ami Alexis Ladeau le retrouva mort, des traces de griffes sur la gorge, et le manuscrit sur lequel il travaillait, déchiré et éparpillé. Il le reconstitua, le lut puis le brûla avant de se suicider. Toutefois, un correspondant allemand m’a récemment affirmé que certains fragments auraient échappé au feu : Leng pourrait en être le sujet...

Harold Hadley Copeland, mort en 1926, était le plus brillant archéologue dans le domaine de la préhistoire du Pacifique. En 1913, il organise, avec le professeur Ellington, une expédition en Asie Centrale. C’est un désastre : tous les membres de l’équipe meurent ou désertent. Seul Copeland persiste. Il finit par découvrir dans la tombe d’un chamane préhistorique, au nord du Plateau de Tsang, une série de douze tablettes de jade noir, les Tablettes de Zanthu. Trois mois plus tard, on retrouve le professeur Copeland errant au cœur de la Mongolie. Il finira ses jours dans un asile.

Wilbur Akeley a étudié à Arkham l’anthropologie et l’archéologie jusqu’en 1916. Ses diplômes obtenus, il part trois ans en Asie Centrale, d’où il ramène le mystérieux verre de Leng, puis passe trois ans entre l’Amérique du Sud, l’Amérique Centrale et le Sud-Ouest des Etats-Unis. De retour en Nouvelle-Angleterre, il meurt prématurément en 1924 ; il lègue à la biblio-thèque de l’Université Miskatonic ses carnets de voyages.

William Richardson fut le premier des hommes envoyés par le Manhattan Museum of Fine Arts à atteindre le mythique Plateau de Tsang5. Il fut capturé et torturé par les Tcho-Tchos mais réussit à s’enfuir ; il publia en 1927 le récit de son expérience, sous le titre Mœurs et coutumes du Peuple Tcho-Tcho.

Les emplacements possibles

Sung et Tsang : mythe ou réalité ?

La localisation du Plateau de Leng pose de nombreux problèmes, qui sont notamment dus à la présence, réelle ou supposée, de deux autres plateaux, ceux de Tsang et de Sung. Pour certains, il ne s’agit que d’extensions du Plateau de Leng ; pour d’autres, ces trois lieux sont géographiquement bien distincts. Mais, aussi étonnant que cela puisse paraître, ces deux théories ne sont pas forcément incompatibles si l’on se fie aux indications laissées par Abdul Alhazred (voir chapitre IV).

Un plateau, quatre possibilités

Wilbur Akeley a exploré successivement le Tibet, la Chine et la Mongolie pour trouver son verre de Leng. Selon ses notes, il existe une région du Tibet peuplée de Tcho-Tchos mais elle ne correspond pas aux descriptions du Plateau de Leng données dans le Necronomicon. Tout porte à croire qu’il s’agit du Plateau de Tsang, redécouvert par Richardson quelques années plus tard.

Délaissant le Tibet pour la Chine, Akeley s’est aventuré dans la province de Sinkiang à la recherche du légendaire Plateau de Sung. Pour lui en effet, Sung et Leng désignaient le même endroit. Après un an passé à explorer les montagnes, il a abandonné et gagné la Mongolie.

C’est dans ce pays qu’il a découvert le verre de Leng. Malheureusement, Akeley a détruit la plus grande partie de ses notes concernant la fin de son voyage. J’ignore donc s’il a pu effectivement atteindre le Plateau de Leng ou s’il a obtenu le verre, « d’origine hyadéenne » selon ses propres termes, par d’autres moyens.

Quant à la Birmanie, c’est là que certains textes, notamment les Unausprechlichen Kulten, situent le Plateau de Sung et la mythique cité d’Alaozar ; ce lieu sacré pour les Tcho-Tchos n’a jamais été découvert.

Le peuple Tcho-Tcho

Lorsque l’on évoque le Plateau de Leng, on ne peut s’empêcher d’y associer les Tcho-Tchos, ces abominations au service des Grands Anciens.

…des anormalités sans visage – des adorateurs sub-humains à peine anthropomorphes, ligués avec quelque sorcellerie cruelle.
L’Horreur venue des collines

Histoire

De nombreux anthropologues se sont interrogés sur les origines des Tcho-Tchos. Selon leurs légendes, ils seraient le résultat d’accouplements entre humains et Miri Nigri, créatures façonnées par Chaugnar Faugn. Selon les spécialistes, ce sont des humains dégénérés assez proches des Gnoph-Keh, cannibales primitifs ayant autrefois vécu dans le Grand Nord.

La présence des Tcho-Tchos au Tibet, en Birmanie, en Chine aussi bien qu’en Malaisie laisse à penser que cette race a autrefois dominé une bonne partie de l’Asie. Mais ce n’est plus aujourd’hui qu’un peuple déchu, qui se terre dans des endroits reculés et inaccessibles. Seuls quelques-uns, parmi les plus intelligents, osent s’aventurer dans le monde extérieur (on en retrouve en Europe et en Amérique).

Cannibalisme et nécrophagie

La mentalité Tcho-Tcho est à l’image de leurs divinités : cruelle et sanguinaire. Les tortures qu’a subies Richardson sur le Plateau de Tsang sont monnaie courante et les plus faibles éléments sont impitoyablement massacrés avant d’être dévorés par leurs congénères car – est-il besoin de le rappeler ? – cette race maudite est cannibale et nécrophage.

Elle est d’ailleurs à l’origine d’un culte répandu dans le monde entier. Ses membres portent souvent une petite amulette de jade figurant « un molosse accroupi et ailé, sorte de sphinx à la tête à demi canine »6. On ignore encore aujourd’hui les motivations de cette secte, mais on sait qu’elle a parfois recours aux services des Molosses pour éliminer d’éventuels gêneurs. Il n’est d’ailleurs pas impossible que la mort de von Junzt soit due à un de ces monstres ailés.

Religion
Lloigor, Zhar et Ithaqua chevaucheront les espaces parmi les étoiles et ennobliront ceux qui les servent, les Tcho-Tcho.7
Extrait du Necronomicon

La religion occupe une place prédominante chez les Tcho-Tchos. Ils sont dirigés par des prêtres auxquels ils obéissent aveuglément.
Sur le Plateau de Leng, on dit que c’est le lama-démon Bhô-Blok8 qui régit la vie des Tcho-Tchos. Sur le Plateau de Tsang, ils sont commandés par un grand prêtre du nom de Chung Ga (cf. Mœurs et coutumes du Peuple Tcho-Tcho). Dans les jungles de Birmanie, c’est E-poh qui les guide.

Leur panthéon regroupe de nombreux Grands Anciens : Nyarlathotep, Ithaqua, Hastur, Shub-Niggurath et Atlach-Nacha en font partie, tout comme Chaugnar Faugn, Lloigor et Zhar. Ces trois derniers nous intéressent plus particulièrement, car ils ont un rapport direct avec le Plateau de Leng.

Chaugnar Faugn, le « Mangeur vampirique » : cet être a d’abord vécu dans les Pyrénées avec ses frères. C’est là, selon Richardson, qu’il a créé ses premiers serviteurs, les Miri Nigri, pères des Tcho-Tchos. Ceux-ci sacrifiaient deux fois par an des hommes et des femmes à la gloire de leur maître. Mais les rumeurs de ces massacres atteignirent Rome qui envoya une première expédition, annonciatrice de nombreuses autres. Chaugnar Faugn décida alors de partir pour l’Asie, seul, puisque ses frères refusèrent de le suivre.

Depuis, on dit qu’il attend, immobile, dans une caverne du Plateau de Tsang, la venue de l’Acolyte Blanc.

Les descriptions de cette divinité sont assez vagues, mais tous les auteurs s’accordent sur le caractère effroyable de son apparence.9

Lloigor et Zhar, les « obscénités jumelles » : ces deux entités sont emprisonnées sur le Plateau de Sung, sous les ruines d’Alaozar. Elles sont servies et vénérées par les Tcho-Tchos, avec lesquels elles peuvent communiquer par télépathie.

Les deux jumeaux, originaires d’Arcturus, sont reliés physiquement entre eux. Selon von Junzt, ce sont, avec Ithaqua, les "enfants" de Hastur et de Shub-Niggurath.

La cité perdue de Yian-Ho

Yian-Ho, cité mythique située au cœur de l’Asie, est souvent associée au Plateau de Leng. C’est là, selon von Junzt, qu’est conservé le Ghorl Nigral, ouvrage d’origine extraterrestre dérobé par le non-humain Zkauba aux monstrueux Dholes de la planète Yaddith. Le livre est à l’origine de nombreuses légendes transmises de bouche à oreille sous le nom d’Héritage caché du très ancien Leng.

D’après Gottfried Mülder, von Junzt se rendit dans un monastère situé dans une région reculée de Chine afin de pouvoir consulter le Ghorl Nigral. Au prix d’un sacrifice dont il n’avoua jamais la teneur, des moines « hideusement difformes » recouverts de robes et de masques jaunes lui apportèrent le mystérieux manuscrit. Ce qu’il révéla par la suite à son compagnon est retranscrit dans le trop rare Mystères secrets d’Asie, avec un commentaire sur le Ghorl Nigral.

Chapitre II : Le rapport Dyer

Les mythologues ont situé Leng en Asie Centrale ; mais la mémoire de l’espèce humaine – ou de ses prédécesseurs – est longue et il est bien possible que certains récits soient issus de contrées, de montagnes et de temples d’une horreur plus ancienne que l’Asie et qu’aucun monde humain connu.
Les Montagnes Hallucinées

L’expédition Pabodie

Les lecteurs assidus de l’Arkham Adviser n’ignorent sans doute rien du sort funeste que connut l’expédition Pabodie. Les autres apprécieront certainement ce petit rappel des événements tragiques survenus sur le continent antarctique.

Financée par l’Université Miskatonic et la fondation Nathaniel Derby Pickman, l’expédition Pabodie devait permettre de collecter des fossiles sur le continent antarctique. A cet effet, le professeur Frank H. Pabodie du département Technologie de l’Université Miskatonic conçut un foret capable de venir à bout des roches les plus dures.

Le 2 septembre 1930, l’équipe, sous la direction du professeur Dyer, du département Géologie, quitte Boston pour les mers australes à bord de deux navires, l’Arkham et le Miskatonic. Le 20 octobre, ils franchissent le cercle polaire et le 9 novembre, ils établissent une première base sur l’Ile de Ross, au pied du Mont Erebus, suivie d’une deuxième, plus au sud, au-dessus du glacier Beardmore, le 21 novembre. Je passe sur les divers forages et ascensions qui marquèrent la première partie de ce voyage pour en venir au cœur du sujet.

Suite à la découverte de fragments d’ardoise portant d’étranges marques triangulaires, onze hommes dirigés par le biologiste Lake s’envolent le 22 janvier 1931 pour des terres jusqu’alors inexplorées. Après une journée de vol, ils arrivent en vue d’une gigantesque et mystérieuse chaîne de montagnes et s’installent sur ses contreforts.
Le 23 janvier, ils annoncent par la radio une découverte exceptionnelle : quatorze monstrueux fossiles sont mis à jour. Le 24, une tempête s’abat sur le campement et les communications sont interrompues. Le 25, les radios restent obstinément muettes et Dyer décide, avec Pabodie et quelques autres, de rejoindre Lake à bord du dernier avion disponible. Ce qu’ils ont découvert n’a jamais été clairement reporté dans la presse mais il semble que Lake et ses compagnons ont été victimes d’une crise de démence (désignée plus tard sous le nom de Dementia Antarctica) et se sont entre-tués.

Rassemblant les quelques données encore intactes, l’équipe de Dyer regagne la base de Beardmore le 27, puis le mont Erebus le 28. Et le 3 février 1931, les derniers membres de l’expédition Pabodie quittent définitivement le continent antarctique.

La vérité selon Dyer

De retour aux Etats-Unis, le professeur Dyer a publié sa version des faits, espérant dissuader d’autres explorateurs de s’aventurer trop loin sur le continent antarctique. Son ouvrage n’a non seulement pas eu les effets escomptés (puisque l’expédition Starkweather-Moore a effectivement eu lieu) mais lui a également valu bien des critiques (Dyer nouvelle victime de la Dementia Antarctica ?, article publié dans le Boston Globe, 1931).

Les Choses Très Anciennes
Des torses en forme de tonneau, divisés en cinq branches entre lesquelles surgissaient des ailes membraneuses ; cinq tentacules, chacun divisé en cinq tentacules plus petits, pendant ou ondulant au sommet des torses ; des têtes épaisses, bouffies, pourvues d’orifices buccaux en forme de cloche et aux crocs aiguisés s’agitant au-dessus d’un large cou ; des bras à l’aspect solide, fort musclés en apparence ; cinq yeux pédonculés au-dessus de chaque tête en forme d’étoile
L’Avant-Poste des Grands Anciens

Les onze planches anatomiques que l’on peut consulter à l’Université Miskatonic nous permettent de saisir l’importance de la découverte de Lake. D’après les biologistes de l’Université Miskatonic, cette forme de vie mi-animale, mi-végétale remonte à près de quarante millions d’années et ne serait que la forme dégénérée d’une espèce bien plus ancienne encore.

Ces créatures ont été identifiées avec une quasi-certitude comme étant les représentants d’une race d’origine extraterrestre : les Choses Très Anciennes. Une étude approfondie aurait sans doute permis de confirmer cette hypothèse. Malheureusement, il n’a pas été possible aux membres de l’expédition Pabodie de rapporter un spécimen de cette race mystérieuse, ceux-ci ayant été détruits ou dispersés par la tempête qui s’abattit sur le campement lors de cette nuit tragique du 24 janvier 1931. Seules quelques empreintes fossiles de ces êtres fantastiques ont pu être ramenées à Arkham ; elles sont aujourd’hui exposées dans les vitrines de la bibliothèque de l’Université Miskatonic.

Les Montagnes Hallucinées

Dans la journée du 26 janvier 1931, Dyer et Danforth ont survolé la chaîne des « Montagnes Hallucinées », pour reprendre l’expression du professeur. Ce qu’ils ont découvert n’avait jamais été révélé jusqu’à la publication du rapport de Dyer et, encore aujourd’hui, son témoignage suscite bien des interrogations. Certains sont même allés jusqu’à traiter William Dyer d’escroc scientifique, qualifiant ses photographies de trucages honteux. Ces polémiques, déjà violentes, ont encore redoublé après le retour de l’expédition Starkweather-Moore, à laquelle Dyer était si violemment opposé. Pourtant, les récentes découvertes faites en Afrique (j’y reviendrai) semblent donner raison à l’Université Miskatonic et au directeur de son département Géologie.

L’expédition Pabodie a situé avec une assez bonne précision les Montagnes Hallucinées : la partie haute de la chaîne – de 7 000 à 10 000 mètres – s’étend sur un arc imposant, de 82° de latitude Sud et 60° de longitude Est jusqu’à 70° de latitude Sud et 115° de longitude Est.

En approchant des hauts pics, Dyer et Danforth observent et photographient à bord de leur appareil des remparts (ou quelque chose de très approchant), d’étranges formations cubiques et une multitude de cavernes aux formes carrées ou semi-circulaires. Mais ce n’est qu’un début. De l’autre côté des montagnes s’étendent à perte de vue des ruines à moitié englouties sous des tonnes de glace : le Plateau de Leng selon Dyer. L’architecture délirante, les formes improbables de certains bâtiments ne laissent aucun doute sur l’origine pré-humaine de cette cité gigantesque.

Après avoir pris quelques photographies de la mégapole ensevelie, les deux hommes se posent sur le plateau de glace et partent explorer l’intérieur de bâtiments étonnamment bien conservés. Les Choses Très Anciennes avaient l’habitude de décorer leurs murs de fresques historiques. C’est grâce aux abondants croquis qu’en ont fait Danforth et Dyer que l’on connaît aujourd’hui l’histoire de cette antique civilisation. Je me contenterai ici d’en retracer les grandes lignes.

Les Choses Très Anciennes arrivèrent sur terre voici près de deux milliards d’années. Même si, par la suite, elles en perdirent la capacité, elles pouvaient alors voyager dans l’espace. Pendant près de cinq cent millions d’années, les Choses Très Anciennes se développèrent sur la planète et bâtirent avec l’aide de leurs esclaves, les Shoggoths, d’immenses cités. Cette période de prospérité s’acheva avec l’arrivée de Cthulhu et de ses rejetons. S’en suivit une guerre impitoyable causant de grands dommages des deux côtés. Un traité de paix puis l’engloutissement de R’lyeh mirent fin à ce conflit destructeur. Mais les ennuis des Choses Très Anciennes ne furent pas terminés pour autant : elles durent faire face à leurs anciens esclaves, qu’elles défirent, puis affronter les Fungi de Yuggoth. Vaincues, les Choses Très Anciennes se retirèrent sur le continent antarctique, cœur de leur civilisation. La glaciation de Riss les força à quitter leur dernière cité terrestre pour les fonds océaniques.


Kadath dans le Désert Glacé
Car cette ligne violette au loin ne pouvait être que les terribles montagnes du monde interdit – les plus hauts pics de la Terre et le centre du mal sur le globe ; abritant des horreurs sans nom et des secrets archéens ; fuies et invoquées par ceux qui craignaient d’en dévoiler l’essence ; que nul être vivant sur terre n’avait foulées ; visitées de sinistres éclairs et projetant d’étranges lueurs par-dessus les plaines dans la nuit polaire – sans aucun doute archétype inconnu du redoutable Kadath dans le Désert Glacé au-delà du détestable Leng auquel font allusion les légendes primitives impies.
Les Montagnes Hallucinées

La certitude pour Dyer d’avoir découvert le plateau de Leng s’explique en partie par la présence, non confirmée jusqu’ici, d’une autre chaîne de montagnes qu’il situe très précisément : de 77° de latitude Sud et 70° de longitude Est à 70° de latitude Sud et 100° de longitude Est. Il s’agit selon lui de la mythique Kadath, dont les sommets atteindraient les douze à quinze mille mètres.

D’après les gravures découvertes dans la cité, ces montagnes surgirent du continent antarctique il y a près de cinquante millions d’années, détruisant l’ancienne mégapole des Choses Très Anciennes. Depuis ce cataclysme, aucun être crinoïde n’osa s’aventurer dans cette région, pas même lorsque, dans leur période décadente, certains vouèrent un culte à ces montagnes maléfiques.

J’ignore si Dyer a réellement découvert la Kadath terrestre dont parle Abdul Alhazred dans le Necronomicon. Toujours est-il que la vision de ces montagnes a eu définitivement raison du pauvre Danforth : il végète aujourd’hui dans un asile d’aliénés, évoquant, à propos de ce qu’il a vu, « l’originel, l’éternel, l’impérissable », « l’Ancien Phare », ou encore « l’échelle lunaire », notions qui ne sont pas étrangères au Plateau de Leng des Contrées du Rêve. D’un autre côté, Danforth est connu pour être un des seuls hommes à avoir lu intégralement le Necronomicon. Ceci explique peut-être cela…

XXVII
L’Ancien Phare

De Leng où des pics rocheux se dressent, mornes et nus,
Sous de froides étoiles occultées aux yeux des humains
Jaillit au crépuscule un unique rai de lumière
Dont les lointains rayons bleutés firent sangloter et prier des bergers.
On dit (mais personne n’y a jamais été) qu’il sort
D’un phare dans une tour de pierre
Où vit seul le dernier des Grands Anciens
Parlant au Chaos dans le battement des tambours.
La Chose, chuchote-t-on, porte un masque de soie
Jaune, dont les replis étranges semblent dissimuler
Un visage qui n’est pas de cette terre, mais personne
N’ose demander quels traits au juste cache le tissu.
Beaucoup, dans la première jeunesse de l’homme, cherchèrent ce phare
Mais ce qu’ils trouvèrent, personne ne l’a jamais su.
Fungi de Yuggoth

Vrai ou faux ?

L’expédition Starkweather-Moore

En dépit des avertissements du professeur Dyer, une expédition conduite par le professeur Starkweather-Moore quitte Brême le 20 décembre 1931 avec la ferme intention d’explorer la cité décrite dans les Montagnes Hallucinées. Mais lorsque les hommes de l’expédition arrivent à l’endroit indiqué par le géologue de Miskatonic, ils ne trouvent rien, si ce n’est un gouffre béant causé, semble-t-il, par des glissements de terrains et des tremblements de terre : « Tout s’est passé comme si une section étendue de la plaine glacée s’était subitement effondrée sur plusieurs kilomètres carrés » déclarait Starkweather-Moore au retour de l’expédition.

La confirmation africaine

L’affaire aurait pu s’arrêter là si de récentes découvertes n’avaient apporté un soutien inattendu à la thèse du professeur Dyer.
En 1934, un certain Windrop rapporte d’Afrique un manuscrit qui serait, selon les sages de la tribu qui le détenait, la copie d’un ouvrage d’origine pré-humaine. Un an plus tard, l’éminent archéologue anglais sir Amery Wendy-Smith livre une première traduction des Fragments de G’harne. On y trouve notamment quelques allusions à la plus grande cité des Choses Très Anciennes, située sur le continent antarctique...

Affaire à suivre…

Alors, comment expliquer les résultats de l’expédition Starkweather-Moore ? Il semble, selon le traducteur des Fragments de G’harne, que les Choses Très Anciennes tentent d’effacer leurs traces sur terre, détruisant ou engloutissant les cités qu’elles ont autrefois habitées. On en saura probablement plus au retour d’Afrique de Wendy-Smith (l’expédition qu’il dirige actuellement est à la recherche de la cité perdue de G’harne).

Chapitre III : L’expérience Carter

Au-delà des frontières de la raison, il existe encore des terres de sombres légendes et des temples de terreur. Leng continue d’engendrer comme par le passé ses horreurs aux bordures du songe, et Kadath rumine, gris et décharné, dans les Déserts Glacés...

Certains esprits rationnels pourront trouver choquant, de la part d’un scientifique, de s’intéresser à un univers onirique. Pourtant, les Contrées du Rêve existent bel et bien, et si je n’ai jamais trouvé les soixante-dix marches du sommeil léger, certains de mes collaborateurs ont réussi à franchir les Portes du Profond Sommeil : ce sont leurs témoignages qui m’ont servi à écrire ce chapitre. Qu’ils en soient ici remerciés.

Par où commencer ?

Si le Plateau de Leng suscite la méfiance et l’inquiétude chez la plupart des habitants des Contrées du Rêve, force est de constater que peu de gens savent où il se trouve. Trois villes pourtant ont un rapport plus ou moins direct avec le Plateau de Leng : Inganok, Lelag-Leng et Dylath-Leen.

Inganok est un port situé au nord des Contrées du Rêve. Son architecture magnifique et sa prospérité ne consolent pas ses habitants de l’absence de chats : la proximité de Leng pourrait en être la cause.

Lelag-Leng est une cité bâtie à l’est du Plateau de Leng. Ses habitants, peuple trapu aux yeux torves, sont réputés pour faire commerce avec les créatures de Leng. Mieux vaut donc s’en méfier.

Dylath-Leen, port de la Mer du Sud situé à l’embouchure de la rivière Skaï, est connue pour ses tours noires, ses rues sombres et inhospitalières et ses tavernes lugubres. Régulièrement, des marchands enturbannés viennent acheter des esclaves noirs de Paarg qu’ils embarquent à bord de galères noires dont on n’a jamais vu les rameurs. Nous verrons plus loin qui sont réellement ces hommes mais sachez dès à présent qu’il ne vaut mieux pas mentionner Leng en leur présence. Les imprudents qui ont fait fi de ce conseil ont tous disparu.

Les habitants du Plateau

Le Plateau de Leng semble avoir cristallisé les pires cauchemars de l’humanité : créatures sans visages, humanoïdes anthropophages, tortionnaires informes et oiseaux monstrueux sont les gardiens d’une terre que beaucoup disent dédiée au mal.

Les Maigres Bêtes de la Nuit
XX
Les Maigres Bêtes de la Nuit

De quelle crypte elles sortent en rampant je ne saurais le dire
Mais chaque nuit je vois ces créatures noires,
Cornues et décharnées, aux ailes membraneuses
Et aux queues portant la barbe bifide de l’Enfer
Elles arrivent par légions, portées par la houle du vent du nord,
Avec d’obscènes griffes qui titillent et irritent,
Elles me saisissent et m’emportent vers de monstrueux voyages
En des mondes grisâtres au cœur du puits des cauchemars.
Au-dessus des pics déchiquetés de Thok elles passent
Ignorant les cris que je pousse en vain
Et descendent dans les puits inférieurs jusqu’à ce lac obscène
Où les Shoggoths boursouflés se vautrent dans un sommeil douteux.
Mais quoi ! Si seulement elles émettaient un son
Ou avaient un visage là où se trouvent les visages !
Fungi de Yuggoth

Les Maigres Bêtes de la Nuit sont les serviteurs de Nodens, Seigneur du Grand Abîme, et sont donc opposées aux adorateurs de Nyarlathotep, à savoir les oiseaux shantaks, les Bêtes Lunaires et les Hommes de Leng.

Elles vivent dans les terriers du Mont Ngranek, des montagnes séparant le Plateau de Leng du pays d’Inganok et des Pics de Thok. Incapables d’émettre le moindre son, elles peuvent toutefois communiquer avec les vampires et les goules du Monde Inférieur, avec lesquels elles s’allient parfois.

On ignore les motivations de ces êtres sans visage. Ils s’emparent parfois de voyageurs imprudents pour les déposer dans des endroits rarement accueillants (la Vallée de Pnath constitue un bon exemple). Dernier détail : mes collaborateurs m’ont rapporté que ces étranges créatures détestaient l’eau et rechignaient à survoler ne serait-ce qu’un lac.

Les Shantaks
Ailées et vrombissantes, ces formes grandissaient à chaque instant et le voyageur comprit que sa marche en avant était terminée. Ce n’était pas, comme ailleurs sur terre ou au pays des rêves, des oiseaux ou des chauves-souris, car ces formes étaient plus grosses qu’un éléphant et avaient une tête de cheval.
A la Recherche de Kadath

Ces immenses oiseaux habitent principalement les montagnes qui bordent le Plateau de Leng. Ils sont parfois utilisés comme monture par les hommes de Lelag-Leng, qui, par ailleurs, n’hésitent pas à faire commerce de leurs énormes œufs parfumés.

La rumeur prétend que le père de tous les Shantaks, Quumyagga, gîte sous le dôme du palais royal d’Inganok. Et mieux vaut ne pas fixer trop longtemps l’édifice, car le père des Shantaks envoie aux curieux des rêves étranges.

Les oiseaux shantaks vénèrent Gol-Goroth ainsi que Nyarlathotep, et sont à ce titre opposés aux Maigres Bêtes de la Nuit, qu’ils craignent et fuient.

Les notes laissées par Wilbur Akeley laissent à penser qu’il existe une seconde espèce d’oiseaux shantaks. J’ai reproduit ici un extrait de son journal où il a couché ses observations faites à travers le verre de Leng :
« 21 octobre 1921. Quatre shantaks à mi-chemin. Taille moyenne dépassant celle d’un homme. Corps de chauve-souris, couverts de fourrure. Ailes de chauve-souris s’élevant à un mètre au-dessus de la tête, face à bec crochu, comme d’un vautour, mais par ailleurs très chauve-souris. A traversé en volant le paysage, s’est perché à mi-course pour se reposer sur une falaise rocheuse. Attention pas éveillée. L’un d’eux portait-il sur son dos quelque chose ? Ou quelqu’un ? »10

Si une telle créature existe, elle vit probablement sur terre et non dans les Contrées du Rêve, car aucun rêveur jusqu’ici ne semble l’avoir rencontrée.

Les Bêtes Lunaires

Carter pouvait maintenant distinguer devant lui des silhouettes mouvantes sur les débarcadères infects et mieux il les voyait, plus il les détestait et les craignait, car, même approximativement, ce n’étaient pas du tout des hommes, mais de grandes choses glissantes, blanches, grises qui pouvaient à volonté s’étirer ou se contracter et dont la forme principale, bien qu’elle changeât souvent, était celle d’une sorte de crapaud sans yeux, doté d’une espèce de curieuse masse vibratile faite de courts tentacules roses bougeant au bout d’un groin aplati.
A la Recherche de Kadath

Comme leur nom l’indique, ces créatures sont originaires de la lune des Contrées du Rêve. Elles descendent sur terre à bord de leurs trirèmes noires, mues par des rameurs infatigables.

On dit les Bêtes Lunaires cruelles et sans pitié, et c’est vrai. A cela, on peut ajouter un goût immodéré pour la chair humaine. Pour s’approvisionner, elles ont recours aux Hommes de Leng, dont l’apparence moins effrayante permet de commercer avec les marchands de Dylath-Leen : contre d’énormes rubis extraits des mines lunaires, les Lenguites embarquent à bord des trirèmes noires des esclaves noirs de Paarg que l’on ne revoit jamais plus.

Les Bêtes Lunaires adorent Nyarlathotep, Mnomquah, que l’on dit emprisonné dans le Lac Noir d’Ubboth, à l’intérieur de la lune, ainsi que son épouse Oorn, qui vit dans les ruines de Sarkomand.

Les Hommes de Leng

Nous sommes nombreux à nous interroger sur les origines des Hommes de Leng. Certains, s’appuyant sur le Quatrième Livre de D’harsis, affirment que les Lenguites sont originaires du monde des rêves de Yuggoth et qu’ils ont été introduits dans les Contrées du Rêve terrestres par les Grands Anciens (ce qui pourrait expliquer leur immunité au Feu-de-Nuit de Yuggoth). D’autres pensent que les Hommes de Leng sont les manifestations oniriques des Tcho-Tchos avec lesquels ils partagent un goût prononcé pour la chair humaine.

Ce que l’on sait par contre avec certitude, c’est que les Lenguites étaient présents bien avant les hommes dans les Contrées du Rêve. Leur civilisation, comme en témoignent les ruines de Sarkomand, était fort avancée avant qu’elle ne sombre dans une inexplicable décadence. Elle est peut-être imputable à l’arrivée des Bêtes Lunaires, auxquelles les Hommes de Leng se soumirent spontanément. Esclaves de ces créatures informes, les Lenguites sont utilisés comme nourriture, pour les plus gras d’entre eux, ou comme intermédiaires auprès des marchands de Dylath-Leen.

Les Hommes de Leng vivent aujourd’hui dans de petits villages de pierre disséminés un peu partout sur le Plateau de Leng. La nuit tombée, ils dansent autour de grands feux dont les lueurs infernales sont visibles depuis la mer. Ils vénèrent les Bêtes Lunaires ainsi que les Grands Anciens Nyarlathotep et Mnomquah.

Les particularités de Leng

Les Hauts Pics

Ces montagnes infranchissables séparent le pays d’Inganok du Plateau de Leng. A mi-hauteur, les oiseaux shantaks nichent sur des saillies. Les plus hauts pics sont percés de cavernes semblables à celles que l’on trouve sur le Ngranek. Elles abritent une colonie de Maigres Bêtes de la Nuit. Les Shantaks les survolent de très, très haut...

La Vallée des Araignées

Du temps de leur grandeur, les Hommes de Leng eurent à combattre ces horreurs pourpres et boursouflées que sont les Arai-gnées de Leng. Elles peuplent encore aujourd’hui certaines vallées du Plateau de Leng.

Le Monastère Préhistorique

Situé sur les hauteurs du Plateau de Leng, cet édifice de pierre aux murs aveugles est construit au milieu d’un cercle de monolithes grossiers. Un dédale de galeries, dont les murs sont recouverts de fresques retraçant l’histoire de Leng, conduit au cœur du monastère, une vaste salle voûtée au centre de laquelle bée un puits dont la légende dit qu’il débouche sur les Cavernes de Zin du Monde Inférieur.

C’est dans cette crypte que vit le Grand Prêtre, vêtu de soie jaune frangée de rouge, et portant un masque de soie jaune. Siégeant sur un trône d’or, il communique avec ses visiteurs par l’intermédiaire d’une flûte d’ivoire. Bête Lunaire pour certains, avatar de Nyarlathotep pour d’autres, une chose est sûre : mieux vaut ne pas s’en approcher.

Selon Carter, d’innombrables tunnels partent du monastère préhistorique et serpentent sous le Plateau de Leng. L’un d’eux conduit à Sarkomand.


Sarkomand

Cette cité, bâtie par les Hommes de Leng au pied des falaises du Plateau de Leng, est antérieure de plus d’un million d’années à l’apparition de l’homme dans les Contrées du Rêve.

Du temps de sa splendeur, Sarkomand était un grand port aux quais de basalte et la capitale des Lenguites. Temples et jardins faisaient la fierté de ses habitants, ainsi que sa vaste place centrale, où deux gigantesques lions ailés gardaient l’ouverture d’un escalier conduisant au Monde Inférieur.

Aujourd’hui, la cité est à l’abandon : colonnes brisées, murs abattus, temples dévastés, seuls les deux lions de diorite témoignent de la grandeur passée de Sarkomand. Mais que le visiteur prenne garde : la ville n’est pas désertée pour autant. Les Bêtes Lunaires et leurs serviteurs rôdent toujours dans ces ruines lugubres. Peut-être attendent-ils la venue de Mnomquah, qui doit, selon leurs prédictions, s’unir à Oorn pour dominer la terre.

Aux portes de la Lande Glacée

Entre le Plateau de Leng et la Lande Glacée, qui sépare les Contrées du Rêve de l’inaccessible Kadath, il existe des pièges invisibles qui effraient même les Maigres Bêtes de la Nuit. On parle notamment de constructions hémisphériques blanches bâties sur de curieux monticules. On ignore leur fonction précise mais tous s’accordent pour leur associer le Chaos Rampant, Nyarlathotep...

Chapitre IV : La théorie d’Alhazred

C’était une carte du monde (...) Au cœur de l’Asie, par exemple, il avait écrit « Pl. Leng », et un peu au-dessus, là où aurait dû se trouver la Mongolie, « Kadath dans les Etendues Glacées », ce qui était spécifié comme « un continuum espace-temps ».
Le Sceau de R’lyeh

De troublantes similitudes

Il n’aura pas échappé au lecteur attentif de troublantes similitudes entre les différents plateaux évoqués dans cet article.

Citons pour mémoire Kadath, associée à la fois au plateau de l’Antarctique et à celui des Contrées du Rêve. De même, les prêtres rencontrés par von Junzt au cœur de la Chine rappellent étrangement l’habitant du monastère préhistorique. On peut également rapprocher les lions ailés de Sarkomand des molosses ailés d’Asie Centrale.

Un lieu multidimensionnel

Ces correspondances ne sont pas le fruit du hasard. Elles illustrent parfaitement la théorie développée par Abdul Alhazred dans le Necronomicon et reprise depuis par de nombreux métaphysiciens. Pour l’Arabe en effet, le Plateau de Leng est le lieu de convergence de plusieurs réalités, autrement dit, Leng peut exister dans plusieurs dimensions, et à plusieurs endroits dans une même dimension. Ce qui n’est pas sans danger, comme l’explique Alhazred : en utilisant ce lieu multidimensionnel, des Entités de l’extérieur pourraient pénétrer dans notre dimension.

Certains pensent d’ailleurs que le cas s’est déjà produit : il semble en effet que Nyogtha, la Chose-qui-ne-devrait-pas-être, théoriquement emprisonné sur un monde noir près d’Arcturus, se soit déjà manifesté dans notre monde, et notamment sur le Plateau de Leng. Il est d’ailleurs écrit dans le Necronomicon qu’ « il dut être appelé à la surface de la terre par certaines cavernes et fissures secrètes ». S’agirait-il de tunnels semblables à ceux mentionnés par Randolph Carter à propos du Leng des Contrées du Rêve ? C’est fort probable...

Conclusion

En raison de sa nature multidimensionnelle, le Plateau de Leng constitue un portail gigantesque qu’à l’instar de Nyogtha, des Grands Anciens, invoqués par les Tcho-Tchos par exemple, pourraient emprunter pour envahir la terre. La localisation précise de Leng en Asie – le plateau d’Antarctique ayant disparu – est donc impérative, car le danger que représente cet endroit est consi-dérable et il serait irresponsable de l’ignorer plus longtemps.

Annexes

Le Quatrième Livre de D’harsis
Chacune de ses pages – des pages d’une matière qui m’était inconnue – brillait de lettres flamboyantes dont l’éclat ressortait dans la pénombre de la salle. Je ne pouvais comprendre les singuliers hiéroglyphes de cet ouvrage mais Atal semblait connaître ces étranges caractères et traduisait aisément.
L’Horloge des Songes

Le seul exemplaire connu du Quatrième Livre de D’harsis est conservé à Ulthar, chez le Grand Prêtre Atal. Ecrit en une langue ancienne et disparue, on ne peut le déchiffrer que si l’on possède au moins 50% en Savoir Onirique.

L’ouvrage renferme certains des secrets des Contrées du Rêve, et notamment l’histoire du Feu-de-Nuit de Yuggoth

  • Bonus au Savoir Onirique : +11%
  • Multiplicateur de sorts : x3
  • Effet sur la SAN : -1D6/2D6

Le verre de Leng

Ce verre opaque a des propriétés très particulières. En se plaçant au milieu d’un pentacle et en prononçant la formule Ph’nglui mglw’nafh Cthulhu R’lyeh wgah’nagl fhtagn, le verre s’éclaircit et l’on peut voir au travers des lieux ayant un rapport avec le Mythe, R’lyeh, le Lac de Hali, le Plateau de Leng, Yuggoth ou encore Innsmouth, pour n’en citer que quelques-uns. Malheureusement, on ne peut choisir à l’avance la scène visualisée. De plus, cette fenêtre agit comme un portail que les créatures observées peuvent franchir. Il est alors vivement conseillé d’effacer le pentacle ou de briser le verre.

Les Araignées de Leng11
Caractéristique Dés Moyenne
FOR 8D6 28
CON 5D6 17-18
TAI 10D6 35
INT 3D6 10-11
POU 4D6 14
DEX 3D6+6 16-17
Pts de vie : 27
Déplacement : 6
Arme att.% dommages
Morsure 40% 1D6+3D6+CON
Toile 25% FOR

Nota : la plupart des araignées ont une taille de 10D6, mais on connaît des spécimens dont la taille atteint 20D6, voire 30D6 ou plus ; leurs pourcentages sont accrus en proportion.

Armure : 6 points de chitine

Sorts : effectuer un jet de 1D20. Si le résultat est inférieur ou égal à l’INT de l’araignée, elle connaît 1D3 sorts.

Compétences : Se Cacher 50%, Discrétion 80%

SAN : voir l’un de ces monstres coûte 1/1D10 points de SAN. Les araignées plus importantes (de TAI 20D6 ou 30D6) peu-vent occasionner une perte de SAN allant jusqu’à 1/1D20 points.

Dessin de Druillet
Les Hommes de Leng12
Elles avaient des sabots à la place des pieds et paraissaient coiffées de sorte de perruque ou de bonnet surmonté de petites cornes. Elles n’avaient pas d’autres vêtements mais, pour la plupart, étaient couvertes d’une abondante fourrure. Ces créatures avaient des queues minuscules et, quand elles levèrent la tête, il remarqua la largeur anormale de leur bouche.
A la Recherche de Kadath
Caractéristique Dés Moyenne
FOR 3D6 10-11
CON 3D6 10-11
TAI 2D6+6 13
INT 3D6 10-11
POU 3D6 10-11
DEX 3D6 10-11
APP 2D6 7
Pts de vie : 12
Déplacement : 8
Arme att.% dommages
Cimeterre 35% 1D6
Lance 25% 1D8+1

Armure : aucune naturelle, mais toutes les autres possibles

Sorts : un Homme de Leng dont la somme de l’INT et du POU est au moins égale à 32 connaît au minimum 1D6 sorts, à la discrétion du Gardien.

SAN : voir un autochtone de Leng n’occasionne pas de perte de SAN, à condition qu’il ait voilé ses difformités. Si l’on en aperçoit un alors qu’il est nu, la vue de son corps coûte 0/1D5 points de SAN.

Le Feu-de-Nuit de Yuggoth
Aveugle, mais omnivoyant, sans membres et pourtant mobile comme quelque gigantesque amibe, avec des bouches empoisonnées béantes et bavantes dans sa masse bouillonnante ! (…) La chose était… colossale.
L’Horloge des Songes

Comme son nom l’indique, cette créature est originaire de Yuggoth. Son histoire est détaillée dans le Quatrième Livre de D’harsis. Cette chose, emprisonnée dans un énorme rubis, fut découverte sur les pentes de l’Hatheg-Kla. Transportée à Tyrhhia, puis repêchée dans la Mer du Sud, entre Dylath-Leen et Oriab, elle est finalement emportée par des Maigres Bêtes de la Nuit dans la Vallée de Pnath. On dit qu’elle est aujourd’hui en la possession des Hommes de Leng.

Le Feu-de-Yuggoth, lorsqu’il est emprisonné dans son rubis, agit comme un vampire psychique, annihilant la volonté de ses victimes.

A l’intérieur de la pierre, il est inattaquable. Par contre, libéré de sa prison minérale, le Feu-de-Nuit de Yuggoth est vulnérable à la lumière du soleil. Un bon moyen de tuer cette créature est donc de briser en plein jour le rubis qui l’emprisonne, le problème étant ensuite de courir très vite pour se mettre à l’abri.

Qu’il soit ou non emprisonné, le Feu-de-Nuit peut tenter d’imposer sa volonté à une personne. Il dépense pour cela un point de magie et confronte son POU à celui de sa victime. En cas de réussite, la domination dure trois minutes.

Le Feu-de-Nuit est capable de se régénérer, à raison d’un point de vie par point de dommages infligé à son adversaire.

Caractéristique Dés Moyenne
FOR 6D6 21
CON 8D6 28
TAI 16D6 56
INT 4D6 14
POU 5D6 17-18
DEX 3D6 10-11
Pts de vie : 42
Déplacement : 7 (10 en volant)
Arme att.% dommages
Morsure 100% 6D6
Drain Psychique spécial 1 pt de POU

Nota : chaque heure passée à proximité du Feu-de-Nuit permet à celui-ci de faire un Drain Psychique : on peut y échapper en luttant POU contre POU. En cas d’échec, les dommages indiqués s’appliquent. Si le Feu-de-Nuit est détruit, le POU revient à son niveau initial.

Armure : les armes physiques ne lui font qu’un point de dommage, les dégâts par le feu sont réduits de moitié. La lumière du jour lui inflige 2D6 points de dommages par round d’exposition.

Sorts : le Feu-de-Nuit connaît 1D6 sorts.

SAN : voir un Feu-de-Nuit emprisonné coûte 1/1D2 points de SAN. S’il est libéré, cela coûte 1D6/2D6.

Bibliographie

A propos de l’Asie :

  • Le Molosse, par HPL
  • Zoth-Ommog, par Lin Carter
  • L’Horreur venue des collines, par Frank Belknap Long
  • La Fenêtre à Pignon, Le Sceau de R’lyeh, Le Pacte des Sandwin, par Derleth

A propos de l’Antarctique :

  • Les Montagnes Hallucinées, par HPL
  • L’Avant-Poste des Grands Anciens, par Brian Lumley

A propos des Contrées du Rêve :

  • A la Recherche de Kadath, par HPL
  • Fungi de Yuggoth, par HPL
  • L’Horloge des Songes, par Lumley

Et aussi :

  • Les Contrées du Rêve
  • Encyclopedia Cthulhiana
  • Phénix n°35, spécial Lovecraft

1. Extrait des Engoulevents de la colline, par August Derleth.

2. Extrait d’Epouvante à Salem, par Henry Kuttner.

3. Extrait du Necronomicon, par Nerville Spearman (ouvrage publié en 1979 aux éditions Belfond et réédité en 1985).

4. Extrait d’A travers les portes de la clé d’argent, par HPL et E. Hoffmann Price.

5. Ses prédécesseurs, MM. Steelbrath, Tal-man, McWilliams, Heinley et Holmes, ont tous péri dans les montagnes du Tibet.

6. Extrait du Molosse.

7. Extrait du Rôdeur devant le Seuil, par Derleth et Lovecraft.

8. C’est aussi (et surtout) le surnom attribué à Robert Bloch dans sa correspondance avec Lovecraft.

9. En fait, Long en a fait une description très précise dans L’Horreur venue des collines, mais elle est plutôt grotesque : « L’idole était pourvue d’une trompe et de deux grandes oreilles asymétriques, ainsi que de deux énormes défenses prenant naissance aux coins de la bouche. Mais ce n’était pas un éléphant. (...) Ses oreilles étaient pourvues de palmes et de tentacules, sa trompe se terminait par un disque brillant d’au moins un pied de diamètre, et ses défenses, qui s’entremêlaient pour se confondre avec la base de la statue, étaient translucides comme du cristal de roche. »

10. Extrait de La Fenêtre à pignon.

11. Les caractéristiques sont celles données dans le supplément Les Contrées du Rêve. Mais comme l’extension se fait rare, j’ai jugé bon de les rappeler ici.

12. Même remarque.