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Le mystère de Frigon

publié le 1er septembre 2017

Le mystère de Frigon

« Vaisseau en approche, ici la station orbitale Frigon-3, veuillez décliner votre identité !
— ...
— Vaisseau en approche, c’est la station orbitale Frigon-3 qui vous parle. Veuillez réduire votre vitesse et décliner votre identité !
— ... »

La voix de Cobos avait maintenant perdu toute trace d’ennui. Ce n’était plus le petit fonctionnaire blasé perdu dans la Bordure Extérieure qui parlait, mais un homme qui commençait à sentir l’adrénaline monter dans ses veines. Coupant le micro, il ordonna à son compagnon avachi sur la banquette :
« Jork, va au poste de combat, tout de suite, et prépare une solution de tir sur le vaisseau en approche ! »

Il reprit ensuite, d’une voix plus pressante :
« Vaisseau en approche, changez de trajectoire ou coupez les gaz. Vous nous foncez droit dessus ! »
Puis à son compagnon :
« Jork, tu es prêt à les désintégrer avant qu’ils ne nous percutent ? »

Mais l’aiguilleur du ciel n’attendit pas la réponse. L’alarme collision de la station venait de se mettre en route, ajoutant sa sonnerie stridente au stress des fonctionnaires, et obligeant Cobos à hurler dans le micro :
« Arrêtez ce foutu vaisseau tout de suite ou on vous atomise !
— Mais, monsieur, je ne sais pas comment faire... »

Une voix de gamin ! C’était un gosse qui était aux commandes du vaisseau !

En une fraction de seconde, Cobos passa en revue les différentes options qui se présentaient à lui. Il ordonna instantanément :
« Jork, tire immédiatement un missile à concussion en direction du vaisseau. Fais-le exploser une demi-seconde avant l’impact. »

Jork était un excellent canonnier. Initialement membre de l’escadrille de protection planétaire de Frigon, ce militaire fougueux avait été relégué au rang de simple artilleur de station orbitale pour des raisons disciplinaires obscures. Le jeune homme prétendait que la cause de son déclassement était une amourette avec la fille d’un officier peu commode, mais Cobos soupçonnait un événement moins romantique. Pour l’heure, seule la précision du jeune militaire importait, et Cobos lui faisait suffisamment confiance pour lui demander de réaliser un exploit, en mettant leurs deux vies en jeu sur ce coup de dé. S’il ratait sa cible ou lançait la déflagration trop tôt, le vaisseau les percuterait. S’il touchait sa cible directement ou si le missile explosait trop près du vaisseau, le gosse mourrait. La seule issue satisfaisante était que le souffle de l’explosion dévie l’astronef sans le détruire — et sans détruire la station.

Pendant que Cobos envisageait ces différentes éventualités, Jork avait lancé le missile. Cobos l’observa deux secondes sur l’écran de son senseur, petit point brillant qui fonçait à toute allure vers un autre petit point brillant venant en sens inverse. Les deux marqueurs disparurent un bref instant de l’écran, puis trois points apparurent avec un vecteur de vitesse les amenant vers la station. Cobos se leva précipitamment et hurla, pour se faire entendre malgré l’alarme :
« Jork, aux capsules, vite ! »

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. Une explosion se fit entendre à l’avant de la station. Cobos s’imagina un instant apercevoir la proue du vaisseau découper en deux la station orbitale, avant qu’une immense explosion n’imprime une ultime image sur sa rétine, mais il n’en fut rien. L’alarme de dépressurisation se mit à rugir, remplaçant l’alarme collision, que son esprit avait complètement occultée, tellement il était concentré sur le tir de son camarade. La station fut violemment secouée, projetant les deux hommes contre le mur de la salle de contrôle. Cobos prit le temps d’activer le signal d’urgence avant de ramper vers l’arrière de la station, freiné dans sa progression par un vent violent qui le poussait en arrière : l’air s’échappait dans le vide. S’agrippant à tout ce qu’il pouvait, il continua d’avancer vers la chambre d’éjection des capsules de sauvetage. Jork, plus jeune de presque vingt ans, avait déjà disparu à l’angle de la coursive. Il tenta d’accélérer, mais se retrouva vite hors d’haleine, dans cette atmosphère raréfiée. Il commença à paniquer, priant dans sa tête pour que son compagnon ne s’éjecte pas avant son arrivée.

La fin progressive du vent violent qu’il devait affronter commença à le rassurer. Jork avait réussi à commander la fermeture des sas, et la coursive était maintenant isolée de la zone dépressurisée. Il tenta de crier à l’intention de son camarade, mais ne réussit qu’à émettre un son étouffé, et à s’asphyxier encore plus. Ne cédant pas à la panique, il reprit sa progression, quasiment en apnée. Les poumons en feu, il vit enfin la chambre d’éjection, d’où dépassait la tête de son compagnon d’infortune. Ce dernier sortit pour l’aider à franchir les derniers mètres, et, la cage thoracique comme broyée par un étau invisible, il s’écroula dans la capsule pendant que Jork écrasait le gros bouton rouge.

La capsule eut une brusque accélération tandis que l’air revenait peu à peu. Il fallut à Cobos une bonne minute pour reprendre son souffle. Quand il eut rejoint son compagnon devant l’unique hublot de la capsule, il put contempler, comme lui, la station orbitale éventrée. Des fragments flottaient dans le vide tout autour, sans que l’on ne sache s’ils provenaient de la station ou du vaisseau. En collant sa joue contre la vitre en transparacier, il put apercevoir, derrière la station, un objet gris continuer sa course dans le vide.
Il finit par s’asseoir sur une des banquettes, et commença à réfléchir à la meilleure façon de justifier ses actes quand viendrait le temps de l’interrogatoire par ses supérieurs...

*

« Groupe jaune, en formation de combat derrière moi ! »

Huit voix répondirent quasiment à l’unisson :
« Compris, leader jaune. »

Le sergent Giff se retourna et vit les huit autres scaphandres se déployer en V derrière lui. Chaque homme était lourdement armé, mais les fusils-blasters et lance-grenades étaient pour l’instant aimantés contre les armures pour ne pas gêner les mouvements. Une main étant nécessaire pour diriger le propulseur dorsal, il ne leur restait que leur seconde main pour tenir une arme de poing, qui leur semblait dérisoire pendant cette phase d’approche. L’Unité de Combat en Apesanteur commandée par le sergent Giff avait quitté la soute de la navette d’assaut une dizaine de minutes auparavant, et arrivait maintenant en vue de l’objectif. Tout en continuant à s’approcher, il reprit la parole :
« Leader jaune à contrôle. Nous avons établi le contact visuel. Aucune radiation détectée. On dirait une sorte de gros cylindre avec une extrémité plate et l’autre plus pointue. D’après les infra-rouges, la face plate est très chaude ; il doit s’agir du système de propulsion. L’autre extrémité ressemble à un cockpit. Des inscriptions sont visibles mais dans un langage que je ne connais pas. Traces d’impacts partout. Le fuselage est éventré sur une bonne dizaine de mètres. Un appendice a dû être arraché, probablement une aile, un panneau solaire ou un train d’atterrissage.
— Contrôle de mission à leader jaune. L’équipe rouge confirme qu’un panneau solaire a percuté la station orbitale Frigon-3 et l’a quasiment coupée en deux. L’équipe verte n’a pas encore trouvé le troisième fragment.
— Leader jaune à contrôle. Nous nous rapprochons de la fissure béante. Nous allons tenter de rentrer par là. Attendez... Quelque-chose bouge sur le fuselage. Un canon ! Dispersion ! Dispersion ! »

Les soldats s’éparpillèrent aussi vite qu’ils le purent. L’arme en suivit un puis fit feu. Le scaphandre explosa, et le canon se tourna immédiatement vers une autre cible. Trois hommes furent ainsi touchés avant que les autres n’atteignent le fuselage. Collés contre la coque, dans l’angle mort de l’arme, ils attendirent les instructions de leur chef.
« Groupe jaune, appela le sergent Giff, rejoignez-moi dans la fissure. Elle est suffisamment large pour qu’on passe sans entailler les scaphandres, mais la coque interne est intacte. Jaune 3, découpe-nous un passage au tranchoir à fusion. Jaune 4 et 5, couvrez-le. Au moindre mouvement à l’intérieur, balancez une grenade.
— Contrôle de mission à groupe jaune. Battez en retraite. Vous avez déjà perdu 3 unités et ça suffit comme ça. On va envoyer du lourd.
— Négatif, contrôle. Si nous ressortons, nous serons de nouveau dans leur ligne de tir. Je détecte des formes de vie à l’intérieur. On va enfumer ces rats d’égout !
— Compris leader jaune. Mais n’oubliez pas : il y a peut-être un enfant à bord. »

Dès que la coque fut transpercée, l’air s’engouffra à l’extérieur en un jet puissant par l’ouverture. Puis le souffle se tarit, et les commandos attendirent en silence la jonction des deux traits de découpe. Pendant ces quelques minutes d’attente qui leur semblèrent à tous interminables, les pires scénarios leur traversèrent l’esprit. Allaient-ils découvrir un vaisseau piégé, des aliens agressifs, des droïdes de combat, ou des enfants-soldats ?

Un grappin magnétique fut posé sur la plaque découpée. Tout le monde retint son souffle.
« Equipe jaune à mon signal. Trois. Deux. Un. Go ! »

Les soldats tirèrent sur le filin, arrachant la plaque, et ouvrant le passage dans les entrailles du vaisseau. Jaune 4 et 5 braquèrent leur lampe dans l’ouverture, découvrant une grande salle où flottaient des caisses et des barils. Ils pénétrèrent les premiers par l’orifice, suivis par leurs camarades. Le local n’avait qu’une porte, qui était fermée, sans qu’on puisse deviner comment l’ouvrir.
Une fois dans les lieux, le sergent Giff ordonna :
« Jaune 6, colle une rustine sur l’ouverture. On ne peut pas se permettre de dépressuriser tout le vaisseau au cas où des mômes seraient vraiment encore vivants là-dedans. Jaune 3, trouve un moyen d’ouvrir cette porte. »

Tandis que le premier soldat désigné commençait à appliquer une mousse expansive pour colmater l’ouverture vers l’extérieur, l’autre examinait la porte, sous le regard vigilant des sentinelles 5 et 6. Il fallut finalement se résoudre à utiliser une fois de plus le tranchoir à fusion, ce qui rendait impossible tout effet de surprise.

Le même protocole fut répété, et les hommes découvrirent cette fois une coursive cylindrique qui parcourrait le vaisseau sur toute sa longueur. C’était une sorte de puits central, qui donnait accès à toutes les salles du vaisseau. Comme dans le hangar qu’ils venaient de quitter, la gravité était nulle, mais par contre il semblait y avoir de l’air. Plusieurs dizaines de portes fermées rendaient la zone compliquée à sécuriser. Pour le chef d’unité, il était hors de question de chercher à toutes les ouvrir.
« Jaunes 4, 5 et 6, descendez et essayez de trouver les générateurs. Mettez-les hors d’usage. Les autres, avec moi vers le poste de pilotage. »

Se séparant en deux groupes, les six scaphandres restants progressèrent dans les deux directions opposées. L’équipe qui allait vers le cockpit découvrit une grande salle conique, sans aucune visibilité sur l’extérieur. Le poste de pilotage semblait rudimentaire.
« Chef, une forme de vie détectée à 13 heures !
— Planquez-vous ! »

Puis, une fois que tous les commandos eurent trouvé une protection derrière un pupitre ou dans le puits central, Giff ordonna :
« Couvrez-moi, je vais voir... »

Les soldats braquèrent le canon de leur arme dans direction supposée de la menace, tandis que leur chef rampait sous une console. Celui-ci se retourna quelques secondes plus tard, la paume tournée dans leur direction.
« Leader jaune à contrôle. Il y a bien un gosse ! C’est une petite Zabrak ! »

* *

Dans la tour sud-ouest du Temple, le Haut Conseil Jedi était rassemblé, presque au complet. Seuls deux Maîtres étaient représentés par un hologramme, projeté au-dessus de leur fauteuil attitré. Le Grand Maître Shi-Na-Go prit la parole devant ses pairs :
« Chers Maîtres, notre très respecté confrère, le Maître Kor-Dhum, sentinelle Jedi en poste dans dans la Bordure Extérieure, a sollicité notre avis à propos de faits survenus dans le secteur Kablanis. Certains d’entre vous ont peut-être déjà entendu parler de cet incident étrange. J’ai jugé utile de faire profiter le Conseil de l’exposé de Maître Kor-Dhum, ici présent, afin de décider ensemble des suites à donner à cette affaire. »

Après les salutations d’usage, Kor-Dhum, un Kel-Dor dont la voix était amplifiée par son masque respirateur, prit la parole :
« Maîtres, j’ai sollicité vos avis éclairé à propos d’un incident qui s’est produit sur la planète Frigon, dans le secteur Kablanis. Il y a deux semaines, j’ai senti une perturbation, ou plus exactement, une intrusion, dans la Force. C’était comme si notre univers était entré en contact, un bref instant, avec une autre dimension. Je me suis rendu immédiatement là où j’avais ressenti ce phénomène, vers la planète Frigon. Une fois sur place, j’ai appris qu’une des stations orbitales avait été prise pour cible par un astronef non identifié. Les contrôleurs qui s’y trouvaient avaient pu s’éjecter dans une capsule, et leur témoignage révéla que le vaisseau incriminé n’avait pas répondu à leurs injonctions, mais que, plutôt que de le détruire comme la procédure les y autorisait, ils avaient tenté de dévier sa trajectoire en faisant exploser un missile à proximité. Ils ont justifié leur choix en prétendant qu’ils avaient entendu un enfant à bord.

Les commandos d’apesanteur qui furent dépêchés sur place essuyèrent des tirs d’armes automatisées. Eux-aussi firent preuve d’un étonnant sang-froid, et ils trouvèrent à bord de l’épave un enfant Zabrak en état d’inanition, calfeutré dans le poste de pilotage. Ils purent désactiver l’armement automatique du vaisseau, ce qui permit à une autre équipe de l’inspecter plus en détail.

Cette seconde équipe découvrit trente sarcophages de survie dans les différentes salles, dont dix-sept étaient occupés. Huit d’entre eux n’hébergeaient plus que des cadavres desséchés, mais les occupants des neuf derniers étaient toujours en vie, sous une forme de stase biologique qu’aucune de nos technologies ne permet d’obtenir. Les voyageurs étaient tous de jeunes adultes ou des enfants. Ils appartenaient à sept races différentes, en comptant la petite Zabrak. Le témoignage de cette dernière ne nous a guère avancés. Elle est originaire de la planète Iridonia, mais elle ne se souvient pas comment elle s’est retrouvée dans l’astronef. Elle s’est réveillée dans un des sarcophages, et a erré dans le vaisseau jusqu’à trouver le poste de pilotage. Elle a tenté de manipuler les commandes, sans réussir à prendre le contrôle de l’appareil.

Nos ingénieurs ont étudié la navette. Ils sont arrivés à la conclusion qu’elle était pilotée par une intelligence artificielle. Cette IA n’a pas "survécu", si on peut employer ce terme, à son débranchement par les commandos, qui ont mis hors service tous les générateurs du vaisseau. Auparavant, la petite Zabrak avait probablement réussi à désactiver le pilotage automatique, et à quitter l’hyperespace de manière incontrôlée, ce qui a conduit à la collision sur Frigon.

Les soutes du vaisseau contenaient des droïdes d’extraction minière ainsi que des caisses de minerai de cortosis, dont vous connaissez les propriétés particulières. Un alliage de ce métal permet de réaliser des armures résistant aux sabres-lasers. A la demande de l’Ordre, le commerce de ce matériau est strictement réglementé dans tout l’espace de la République depuis des millénaires. De ce fait, il est presque tombé dans l’oubli, à tel point que la marchandise de contrebande est rarissime, contrairement à la plupart des autres denrées prohibées.

Le minerai de cortosis a été mis en lieu sûr. Nous pensons que la fonction première du vaisseau était d’extraire le minerai grâce aux robots, puis de l’acheminer jusqu’à une destination qui nous est inconnue.
Nous nous retrouvons maintenant avec un astronef d’origine indéterminée, avec à son bord neuf caissons de survie autonomes contenant des êtres de races diverses. Nous ne savons pas s’ils survivront à une tentative de sortie de stase. »

Les Maîtres Jedi du Conseil étaient restés silencieux pendant le rapport du Kel-Dor. Le Grand Maître Shi-Na-Go fut le premier à intervenir :
« Tout cela est bien étrange. Que suggérez-vous, Maître Kor-Dhum ?
— Je pense que ce vaisseau doit être acheminé sur Coruscant au plus vite pour y être examiné par les plus érudits des Maîtres Jedi. Peut-être trouveront-ils dans la Grande Bibliothèque une réponse à cette énigme... »

Le Conseil suivit cette recommandation à l’unanimité. Kor-Dhum repartit sur Frigon pour organiser le transfert de l’astronef.

* * *

Neuf mois plus tard, Kor-Dhum revint sur Coruscant. Il y avait été invité par son ami Haldur, bibliothécaire en chef, qu’il vint voir dès son arrivée au Temple.
« Maître Kor-Dhum, quelle joie de vous voir sur Coruscant !
— Maître Haldur, tout le plaisir est pour moi. »

Le Chagrien et le Kel-Dor se firent une accolade, rendue incommode par le masque du second. Accompagnant son visiteur jusqu’aux jardins du Temple, Haldur le mit au courant des dernières avancées des investigations sur le vaisseau de Frigon :
« Cher ami, votre affaire a fait passer un nombre incalculable de nuits blanches aux plus savants des Maîtres Jedi ! La bibliothèque n’avait pas connu une telle effervescence depuis bien longtemps. De très anciens rouleaux, disques ou holocrons ont été ressortis des armoires poussiéreuses pour tenter de percer à jour le mystère du vaisseau de Frigon.

Tout d’abord, nous avons pu identifier les inscriptions sur le fuselage et le cockpit de l’astronef comme provenant d’une lointaine planète située dans l’Espace Hutt, mais nous avons ensuite découvert que ces glyphes étaient des ajouts postérieurs à la construction du vaisseau. Ils ne nous ont donc pas appris grand-chose. Deux Jedi ont tout de même été dépêchés dans l’Espace Hutt pour tenter de retrouver l’astroport d’attache ou le propriétaire de l’astronef, mais ils sont revenus bredouilles.

L’intelligence artificielle qui gérait toutes les commandes du transporteur est bel est bien perdue. Dans leur souci de déconnecter tous les systèmes d’armement et générateurs du vaisseau, les commandos ont involontairement détruit les circuits de l’IA. Nos experts ont tout de même pu analyser ce qui reste de son support physique. Ils sont persuadés qu’il s’agissait d’un ordinateur quantique. L’état quantique des particules le constituant étant hautement instable, cela explique le fait qu’une simple coupure d’alimentation ait irrémédiablement effacé la mémoire et les circuits neuronaux de l’IA.

Cette découverte va relancer la recherche sur les ordinateurs quantiques, jugés jusque-là théoriquement prometteurs mais en pratique impossibles à stabiliser à grande échelle en l’état actuel de nos connaissances. L’Ordre va probablement s’associer avec d’importantes corporations pour que cette avancée scientifique profite à terme au plus grand nombre.
Mais ce n’est pas tout... »

Le Chagrien balaya du regard les jardins autour d’eux pour vérifier qu’aucune oreille indiscrète ne pouvait les entendre. Il s’immergea aussi dans la Force pour s’assurer qu’aucun Padawan ou novice n’était dissimulé dans les environs. Cette vérification faite, il reprit, en parlant plus doucement :
« Les générateurs solaires, les propulseurs subluminiques, les senseurs, les systèmes de communication et les canons-lasers du vaisseau sont issus de technologies standard. Mais le système d’hyperpropulsion de l’astronef a rapidement attiré l’attention de nos techniciens. Il ne s’agit pas d’hyperdrives classiques… Maître Kor-Dhum, avez-vous entendu parler des vaisseaux des anciens Rakata ? »

Le Kel-Dor fit un effort pour se souvenir de ses cours de civilisations galactiques au Temple, plusieurs décennies plus tôt. Les Rakata avaient été un des premiers peuples à maîtriser la Force et le voyage hyperspatial. Leur civilisation, belliqueuse et cruelle, avait dominé la galaxie quelques dizaines de millénaires plus tôt.
« Oui, bien sûr. Ils utilisaient l’énergie mentale d’esclaves comme force de propulsion dans l’hyperespace. Maître Haldur, êtes-vous en train de sous-entendre que les individus dans les caissons de survie étaient en fait exploités pour mouvoir le vaisseau ?
— C’est cela même. Nous ne savons pas exactement comment fonctionnent les récepteurs d’impulsions psychiques ou les propulseurs, mais nous sommes arrivés à cette conclusion. En outre, les anciens textes évoquant les souffrances infligées aux esclaves par ce procédé, il est peu probable que nous poussions bien loin nos recherches dans ce domaine. Cette utilisation de la Force est contraire à nos principes. D’ailleurs, certains maîtres du Conseil pensent que cet astronef serait le fruit d’une technologie Sith... »

Kor-Dhum resta pensif pendant quelques instants. Haldur prolongea volontairement son silence, pour laisser à son ami le temps d’assimiler toutes ces données. Puis le Kel-Dor se tourna vers lui :
« Mais cela signifie donc que tous ces malheureux sont...
— Oui, vous avez bien deviné, mon ami, le coupa Haldur. Tous les occupants des caissons sont sensibles à la Force. Dans des proportions différentes, mais ils le sont tous.
— Et qu’allons-nous faire d’eux ?
— Il y a six mois, nous nous sommes résolus à tenter de les sortir de stase. Les caissons semblaient pourvus d’un système de réveil intégré. Assistés de droïdes médicaux et des meilleurs spécialistes du corps de Santé, nous avons commencé par réveiller un jeune Twi’lek, dont la biologie nous est parfaitement connue. Sa réanimation s’est bien passée. Il était désorienté, faible et souffrait de dénutrition, mais quelques jours aux mains du service de santé ont suffi à le requinquer. Nous avons alors poursuivi le réveil des autres occupants du vaisseau.

D’un point de vue biologique, tout s’est bien passé et les organismes de tous ces jeunes gens sont sortis de leur léthargie. Par contre, il semblerait que la santé mentale de nombre d’entre eux soit irrémédiablement altérée. Nous ne savons pas combien de temps ils sont restés en stase, ni quelle distance ils ont parcouru à bord de ce vaisseau, mais ils ont subi des dommages importants. Certains ressortent de cette épreuve quasiment décérébrés. D’autres semblent avoir conservé leurs facultés, mais leur état est difficile à évaluer, car leur éducation, s’ils en ont reçu une, a été stoppée très tôt. De plus, deux d’entre eux parlent une langue qui nous est inconnue.

Nous avons fait notre maximum pour leur faire reprendre un cours de vie normal, mais certains devront rester dans un asile. D’autres trouveront peut-être une place comme assistants dans les fermes dirigées par l’AgriCorps. Ce qui est certain, c’est qu’ils ne pourront jamais être relâchés en totale liberté, car leur potentiel dans la Force conjugué à leur instabilité pourrait faire d’eux des individus dangereux, ou des cibles de choix pour les cartels criminels. Sans parler du risque qu’ils retombent sous la coupe de leurs anciens maîtres… »

Tout en parlant, les deux Jedi avaient quitté les jardins pour pénétrer dans un bâtiment qui servait d’annexe à l’hôpital. Des Jedi en convalescence s’y reposaient le temps de retrouver toutes leurs facultés. Haldur se tut le temps de parcourir les couloirs qui menaient à l’aile opposée du bâtiment. Arrivé devant une porte close, il reprit :
« Il y a cependant un cas qui requiert encore aujourd’hui toute notre attention. Les contacts avec lui ont été difficiles au début, car il ne s’exprimait que dans une langue inconnue, et il était tellement immature que nous avons cru que sa santé mentale était altérée. Nous avons finalement compris qu’il s’agissait d’un sujet très jeune, et nous avons commencé à lui enseigner le basique, faute de pouvoir nous adapter à son propre langage. Là encore nos efforts n’ont pas été complètement couronnés de succès, car il semble souffrir d’une forme de dyslexie aiguë, dont nous ne savons pas si elle congénitale ou causée par sa réclusion dans le vaisseau. »

Une fois ses explications terminées, Haldur appliqua son pouce sur le capteur commandant l’ouverture de la porte, qui coulissa pour dévoiler une petite chambre plongée dans la pénombre. Une petite créature verte se tenait au centre de la pièce. Elle faisait léviter des cubes sur lesquels étaient représentés des animaux de toute la galaxie : bantha, rancor, dewback, nexu, …
Kor-Dhum pénétra dans la chambre, s’accroupit en face de la petite créature, et demanda :
« Comment t’appelles-tu ? »

Au lieu de répondre, l’enfant redressa ses oreilles pointues, et suivit d’un regard malicieux ses cubes qui se posèrent en une pile parfaite sur la tête du Kel-Dor, ce qui sembla beaucoup l’amuser. Puis il répondit :
« Yoda, appelé vous m’avez. »